Revue de l’ACMTS et Spinraza

La décision sur le Spinraza souligne le besoin d’un cadre d’évaluation canadien pour les maladies rares/les médicaments orphelins

Au Canada, le processus d’examen et d’approbation des médicaments est complexe. Depuis Santé Canada, l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) et l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) jusqu’à l’Alliance pancanadienne pharmaceutique et les gouvernements de chaque province et territoire, de très nombreux organismes participent au processus de décision.

Bien qu’assurer des preuves concrètes et de meilleurs résultats de santé devraient figurer en première place de la liste des considérations, le coût semble devenir un facteur déterminant. Nous comprenons que les gouvernements font face à des défis importants en matière de santé et que les budgets sont mis à rude épreuve. Toutefois, un accès aux soins équitable et en temps opportun constitue le fondement même du système de santé canadien. C’est une valeur que nous partageons, une valeur qui nous définit en tant que Canadiens et qui définit notre système de santé.

C’est pourquoi la récente décision que publiait l’ACMTS le 1er mars dernier concernant l’utilisation du Spinraza pour traiter l’amyotrophie spinale de types 1, 2, 3 et 4, une maladie neuromusculaire rare, ne peut et ne doit pas être ignorée. en savoir plus

La gravité de l’amyotrophie spinale (AS) varie grandement selon l’âge auquel cette maladie se manifeste. L’AS de type 1 se manifeste avant l’âge de six mois et est la cause génétique la plus courante de mortalité infantile. L’AS de type 2 se manifeste quant à elle entre 6 et 18 mois, et les patients présentent des retards de développement moteur, des problèmes respiratoires et, possiblement, une espérance de vie réduite. Chez les patients atteints d’AS de type 3, la maladie se manifeste entre 18 mois et 18 ans, et entraîne la faiblesse musculaire. L’AS de type 4 est la forme adulte de cette maladie. Elle cause des degrés divers de faiblesse musculaire. Toutes les formes d’amyotrophie spinale ont en commun un déclin graduel de la fonction musculaire.

L’amyotrophie spinale affecte gravement la capacité de marcher, la force musculaire, la motricité fine, la respiration profonde, la déglutition et la capacité de s’alimenter. L’incapacité de marcher oblige les personnes atteintes à utiliser un fauteuil roulant et d’autres aides à la mobilité, et à composer avec tous les obstacles qui y sont associés. Dans les cas les plus graves, les patients sont incapables de faire les mouvements les plus simples, comme de s’asseoir ou de se nourrir sans aide.

Les problèmes respiratoires peuvent entraîner la dépendance à la ventilation mécanique, et les problèmes de déglutition peuvent nécessiter l’utilisation d’un tube de gavage. Pour les jeunes adultes, tous ces problèmes constituent autant d’obstacles à leur autonomie : partir de chez leurs parents, trouver du travail, se faire des amis, sans oublier la conscience du fardeau que la maladie place sur leurs proches.

Le nusinersen, commercialisé sous le nom de Spinraza, est un médicament utilisé pour traiter l’amyotrophie spinale. Médicament « antisens », le Spinraza cible les instructions génétiques au stade de l’ARN, un intermédiaire entre l’ADN et la fabrication des protéines à l’intérieur des cellules, ce qui entraîne une production accrue des protéines de survie des neurones moteurs nécessaires.

En décembre 2016, le Spinraza devenait le premier médicament approuvé au Canada pour traiter cette maladie. Ce médicament a aussi obtenu la désignation de « médicament orphelin » aux États-Unis et au sein de l’Union européenne. En fait, les essais cliniques portant sur l’utilisation du Spinraza chez les nourrissons et les enfants ont été stoppés prématurément sur la base de résultats précoces montrant clairement que les participants traités avec le Spinraza atteignaient beaucoup plus d’étapes de développement moteur que ceux qui recevaient un placebo. Tous les participants à ces essais cliniques ont ensuite été invités à participer à une étude ouverte où tous recevraient le médicament.

Un parent a décrit le traitement comme tout simplement miraculeux. Au nombre des améliorations constatées, mentionnons un renforcement de la respiration, de la voix et de la toux, une augmentation de la force, de l’énergie et du mouvement, la capacité de faire de nouveaux mouvements tels que de tenir sa tête droite, se retourner, se tenir debout avec ou sans aide et utiliser des aides à la mobilité. Les parents ont aussi constaté des effets positifs sur l’humeur et une récupération plus rapide et plus complète lors d’infections.

L’ACMTS et l’INESSS ont chacun procédé à des examens distincts qui ont mené à des recommandations très différentes quant à l’accès à ce médicament, l’ACMTS y imposant des restrictions importantes, restrictions qui étaient absentes des recommandations de l’INESSS. Cela a entraîné une « loterie du code postal » pour les patients atteints d’amyotrophie spinale au Canada. Au Québec et dans 13 pays (Allemagne, Autriche, Italie, Luxembourg, Israël, Japon, Espagne, Belgique, Roumanie, Hong Kong, Portugal, Pologne et Écosse), le remboursement du Spinzara est largement offert aux patients atteints d’AS de types 1, 2 et 3 et présymptomatique.

Compte tenu que les deux organismes ont étudié les mêmes preuves scientifiques, comment ces décisions peuvent-elles être aussi différentes? La décision de l’ACMTS ne cadrant pas avec les recommandations de nombreux autres pays de par le monde, il semble que ce processus d’évaluation doive être remis en cause.

L’ACMTS n’a pas élaboré de processus d’examen adapté aux maladies rares. Nous ne devrions pas ignorer l’expérience des patients quant à l’amélioration de la qualité de vie. Des améliorations modestes et graduelles peuvent changer la vie des gens de notre communauté. Passer de devoir être nourri à pouvoir se nourrir soi-même, ou de ne pas pouvoir se tenir debout à pouvoir marcher, ce sont là des gains précieux qui doivent avoir plus de poids dans le cadre d’un processus d’examen global.

Sur son site Web, l’ACMTS déclare que : L’ACMTS est d’avis que toute décision importante en matière de soins de santé doit être prise à l’aide de preuves objectives et crédibles. Si vous voulez savoir ce que disent les preuves, adressez-vous à l’ACMTS. Nous appuyons entièrement la nécessité d’asseoir le processus d’examen sur des preuves scientifiques. Toutefois, cette nécessité doit être en juste équilibre avec les preuves concrètes, et l’expérience des patients est une partie éminemment importante de celles-ci.

De fait, l’une des 19 recommandations d’un récent rapport du Comité permanent de la santé intitulé Améliorer l’accès aux traitements pour les Canadiens atteints de maladies et de troubles rares, reconnaissait l’importance de ce type de preuve : « Que le gouvernement du Canada, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, finance la recherche sur le diagnostic des patients atteints de maladies rares ainsi que la cueillette de données probantes sur l’efficacité des traitements de ces maladies. »

Les recommandations de ce rapport comprennent diverses approches pour renforcer et normaliser le processus de réglementation en vue d’améliorer l’accès aux médicaments pour les maladies rares, ce que DMC appuie sans réserve.

La décision de l’ACMTS laisse à penser que des améliorations graduelles ne sont pas importantes. Et pourtant, c’est généralement ainsi que fonctionne la science, les nouvelles découvertes s’appuyant sur les précédentes.

Avec cette décision, c’est maintenant aux provinces que revient le défi de déterminer l’approche qu’elles adopteront en regard du Spinraza dans le cadre de leurs formulaires provinciaux respectifs. DMC travaillera avec la communauté et les autorités réglementaires pour continuer à militer pour l’accès à ce traitement capable de changer la vie des personnes atteintes d’amyotrophie spinale. Dans leur étude de la recommandation de l’ACMTS, nous demandons aux gouvernements de reconnaître l’iniquité que crée cette décision et d’étudier sérieusement la façon d’étendre la disponibilité de ce traitement à tous les patients d’un bout à l’autre du pays.

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